Après avoir établi les bases historiques du romantisme, on a commencé à étudier un premier texte mis en musique : "Der Erlkönig", "Le Roi des Aulnes", un poème issu des Ballades de Goethe, mis en lied par Schubert. On a lu le poème, j'étais sur les fesses, avais-je déjà lu quelque chose d'aussi tristement beau ailleurs que chez Baudelaire ? On a écouté le lied, des larmes ont failli se barrer, avais-je déjà entendu quelque chose de si bouleversant ?
Je suis d'accord, n'étant pas grande amatrice de lieder, que sans connaître les paroles, celui-ci est assez spécial. Mais imprégnez-vous du poème, étudiez bien la succession des paroles des personnages, et lisez le texte en écoutant la musique. Si vous n'êtes pas un minimum ému(e), vous êtes carrément insensibles, je suis navrée de vous le dire.
Du coup je vous propose de lire la ballade en allemand ; c'est toujours mieux pour ceux qui savent le lire qu'une traduction (moi perso' j'sais pas lire l'allemand, mais sait-on jamais, ça peut intéresser quelqu'un). Et puis si vous voulez le lire en même temps que vous écoutez chanter le monsieur, vous n'aurez pas à chercher.
Wer reitet so spät durch Nacht und Wind ?
Es ist der Vater mit seinem Kind;
Er hat den Knaben wohl in dem Arm,
Er faßt ihn sicher, er hält ihn warm.
Mein Sohn, was birgst du so bang dein Gesicht ? -
Siehst Vater, du den Erlkönig nicht ?
Den Erlenkönig mit Kron und Schweif ? -
Mein Sohn, es ist ein Nebelstreif. -
»Du liebes Kind, komm, geh mit mir!
Gar schöne Spiele spiel ich mit dir;
Manch bunte Blumen sind an dem Strand,
Meine Mutter hat manch gülden Gewand.«
Mein Vater, mein Vater, und hörest du nicht,
Was Erlenkönig mir leise verspricht? -
Sei ruhig, bleibe ruhig, mein Kind;
In dürren Blättern säuselt der Wind. -
»Willst, feiner Knabe, du mit mir gehn?
Meine Töchter sollen dich warten schon;
Meine Töchter führen den nächtlichen Reihn
Und wiegen und tanzen und singen dich ein.«
Mein Vater, mein Vater, und siehst du nicht dort
Erlkönigs Töchter am düstern Ort? -
Mein Sohn, mein Sohn, ich seh es genau:
Es scheinen die alten Weiden so grau. -
»Ich liebe dich, mich reizt deine schöne Gestalt;
Und bist du nicht willig, so brauch ich Gewalt.«
Mein Vater, mein Vater, jetzt faßt er mich an!
Erlkönig hat mir ein Leids getan! -
Dem Vater grauset's, er reitet geschwind,
Er hält in den Armen das ächzende Kind,
Erreicht den Hof mit Mühe und Not;
In seinen Armen das Kind war tot.
Et bien sûr je vous écrit le texte en français. La traduction qu'on m'a donnée en cours (et que je recopie mot par mot, voyez l'effort !), parce qu'elle est très poétique. Pour que vous repèreriez mieux les différentes voix, je vous mets les paroles du Roi des Aulnes en italique, celles de l'enfant en gras, et celles du père je les souligne ; les première et dernière strophes sont dites par un narrateur.
Si tard ? C'est le père avec son enfant.
Il serre son fils dans son grand manteau,
Pour le protéger, pour lui tenir chaud.
– As-tu peur, mon fils ? Pourquoi te cacher ?
– Le Roi des Aulnes, là, le vois-tu s'approcher ?
Le Roi, sa couronne, et sa traîne aussi !
– C'est la brume, enfant, qui se tord ainsi.
– Viens, mon bel enfant, suis-moi, si tu veux,
Je sais tant de jeux, de jeux merveilleux !
Mille belles fleurs croissent sur nos bords,
Ma mère a pour toi des vêtements d'or !
– Mon père, oh, mon père, tu n'entends donc pas
Tout ce que le roi me promet tout bas ?
– Calme-toi, mon fils, sois tranquille, enfant :
Dans les feuilles mortes murmure le vent.
– Viens mon beau garçon, suis-moi loin, bien loin,
Mes filles de toi sauront prendre soin,
Mes filles, la nuit, qui dansent en rond,
Pour toi chanteront et t'endormiront.
– Mon père, mon père, là tu dois les voir,
Les filles du roi, dans ce coin tout noir !
– Je vois bien : ce sont seulement, mon fils,
Les ombres que font les vieux saules gris.
– Je t'aime, ta beauté me donne envie de toi,
Viens, ou je te prends de force avec moi !
– Mon père, il m'a saisi, oh, mon père, il me prend !
Le roi des Aulnes m'a fait du mal à présent.
Le père presse alors son cheval ; il frémit,
Il étreint dans ses bras son fils qui gémit,
Parvient au logis, d'un ultime effort ;
L'enfant dans ses bras... l'enfant était mort.
Ha, et il faut savoir que c'est Herder qui s'est loupé dans la traduction du conte danois qui a donné l'idée de ce poème à Goethe. Si on avait le vrai titre ça donnerait en français : Le Roi des Elfes.