J'ai choisi comme UE libre pour ce semestre Théâtre grec et mythes fondateurs de l'occident. On a une prof' adorable et passionnée par son enseignement, et qui a un petit quelque chose de Nicole Kidman. Dans son cours d'introduction, il y a deux semaines, elle nous parlait des pièces de théâtre qu'on avait récupéré d'Eschyle, Sophocle et Euripide, en citant parmi les œuvres du premier Les Euménides. Automatiquement, ça a fait tilt dans ma tête et j'ai pensé à quelque vers de Baudelaire, tirés des "Femmes Damnées, Delphine et Hippolyte" :
"Mais l'enfant, épanchant une immense douleur,
Cria soudain : - " Je sens s'élargir dans mon être
Un abîme béant ; cet abîme est mon cœur !
Brûlant comme un volcan, profond comme le vide !
Rien ne rassasiera ce monstre gémissant
Et ne rafraîchira la soif de l'Euménide
Qui, la torche à la main, le brûle jusqu'au sang."
Elle ne s'est pas attardée sur la pièce de théâtre Les Euménides ; je sais juste que l'histoire a un rapport avec un tribunal dans lequel on résout des affaires de meurtres. C'est tout juste si l'on a abordé le thème des Euménides, qui pourtant m'intéresse beaucoup, mais ça peut se comprendre puisque le cours n'est pas censé parler de ces divinités là. Car on a appris que c'étaient des déesses de la vengeance qu'on appelle aussi Érinyes ou Bienveillantes.
Du coup, je suis allée me documenter moi-même et me propose de partager avec vous mon peu de connaissances. Dans le Dictionnaire de mythologie grecque et romaine, de Jean-Claude Belfiore, chez Larousse, dans l'article consacré aux Euménides est écrit tout ceci :
"Ô, Euménides, vous qui êtes la manifestation la plus cruelle du royaume des morts et qui incarnez le châtiment dû aux coupables !" C'est par ce terme d'Euménides, qui signifie "Bienveillantes" que l'on désigne parfois les Érinyes, afin de s'attirer leurs bonnes grâces. Dans l'œuvre d'Eschyle [tragique du Vème siècle avant JC] du même nom, déesses de la fécondité de la terre, elles incarnent la loi du talion. Elles sont noires, ronflantes, odieuses, et leurs yeux pleurent d'horribles larmes.
La loi du talion, car je me demandais ce que c'était puisque ce n'était pas expliqué, serait "la juste réciprocité du crime et de la peine."
On en apprendra plus sur les Euménides à l'article consacré à ces mêmes déesses sous le nom d'Érinyes :
Appelées Furies par les Latins, ou Redoutables, contemporaines du Crime et de l'Innocence, divinités infernales de la vengeance, les "ministres de la justice" selon Héraclite.
D'après Hésiode [poète du VIème siècle avant JC], elles naissent lorsque Ouranos [divinité primordiale personnifiant le Ciel], mutilé par son fils, féconde la Terre avec son sang ; ce même auteur mentionne par ailleurs qu'elles sont filles de la Discorde. Selon Apollodore [mythographe du IIe siècles avant JC], c'est dans Océan que tombe le sang d'Ouranos ; d'après Virgile [poète latin du premier siècle avant JC], elles sont les filles de la Nuit ; chez Sophocle [tragique du Vème siècle avant JC], ce sont l'Ombre et la Terre qui les engendrent ; Épiménide [poète crétois du VIème siècle avant JC] prétend qu'elles sont les enfants de Cronos et d'Évonyme.
Dépourvues d'ailes, elles sont noires et dégoûtantes ; elles émettent des ronflements et des soupirs, avec tant de puissance qu'on craint de les approcher. De leurs yeux suinte un horrible liquide.
Euripide précise qu'elles sont trois et des auteurs tardifs les nomment Alecto, Tisiphone et Mégère. Tisiphone garde la porte du Tartate [...] Mégère sème la discorde entre les mortels [...] Alecto est vindicative à outrance.
La mission des Érinyes est de punir les mortels qui ont enfreint les lois de la société humaine (vol, assassinat, parjure...) qui se sont, notamment, rendus coupables de crimes contre la famille (parricide, matricide...). Persécutrices impitoyables, acharnées, infatigables, elles frappent leur victime, le plus souvent, de folie. Mourir ne suffit pas pour échapper à ces tourments atroces : leurs actions vipérines continuent dans le monde souterrain où la victime est humiliée, fouettée, torturée.
Comme toutes divinité, les Érinyes se voient offrir des sacrifices – ne sont-elles pas les protectrices de l'ordre social ? On brûle des bois de cèdres et de cyprès, on leur offre des agneaux noirs, et une boisson faite de miel et d'eau – jamais de vin. Leur attribut est la torche. A Athènes, leur autel, qui sert d'asile aux réfugiés, s'élève probablement non loin de l'Aréopage, et peut-être identifié avec l'Orestéion. C'est en silence qu'on passe près de leur bois sacré.
Je n'ai pas absolument tout écrit, j'ai sauté la partie "Érinyes, héros, dieux", traitant de leurs apparitions auprès des héros et des dieux justement. Les informations que j'ai rajoutées entre crochets viennent de mes rares références en la matière et de Wikipédia.
J'espère que cet article vous aura intéressé ; j'ai mis du temps à le pondre. Je voulais rajouter des passage des Métamorphoses d'Ovide, mais je suis lessivée.
Les Remords d'Oreste, de William Bouguereau, de 1862.