Ma grande-tante est morte aujourd'hui. Ne resteront bientôt d'elle plus que des ossements et de vieux souvenirs qui s'éffritent. Son visage s'estompe déjà de ma mémoire, sa voix me reste un peu dans l'oreille (bien que je n'ai pas eu l'occasion de lui parler depuis plusieurs mois), son odeur je l'ai oubliée. Mais me restent quelques photos, quelques images, quelques réminiscences de jeux de société (on jouait au mistigri, aux petits chevaux, au jeu de l'oie), quelques souvenirs d'après-midis passés devant la télé (on regardait La Petite maison dans la prairie, Docteur Quin femme médecin, on regardait les Disney et La Mélodie du Bonheur) en mangeant des mi-cho-kos, mes bonbons préférés depuis qu'elle me les a faits découvrir. Je  me rappelle aussi avoir vomi mon lait chaud dans son lit, écrit sur sa moquette et les plinthes de sa chambre au marqueur indélébile (elle a été obligée de les faire refaire). On jouait à inventer des histoires, on vivait en Afrique dans des cases, ou on faisait du poney dans les prés, on a même éxorcisé son yorkshire, Beauty, qui sentait mauvais de la gueule, on avait une super incantation : "Va-t-en, Satan, qui pue le harang !" Elle passait son temps à critiquer mes vêtements, à essayer de faire de moi une chic fille, comme celles des Petites filles modèles. Et ça m'amusait. Il y a tant de choses que je pourrais dire encore, tant de bribes de souvenirs qui cherchent à s'échapper de ma tête par les mots. Mais ils filent si vite, s'estompent tellement pour finalement s'éffacer qu'il vaut mieux que je les garde au chaud le plus longtemps possible dans un recoin de mon cerveau. Il ne faut jamais que j'oublie celle qui a été ma deuxième grand-mère et que j'ai tant aimé. Je terminerai cet article avec cette bribe de chanson qu'elle m'avait apprise :

"Il fait jour, le ciel est rose, l'horizon vermeil
Quand la lune se repose, lève-toi Soleil
On entend sous la feuillée les oiseaux siffleurs
Et l'abeille réveillée dit bonjour aux fleurs"